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Cru ou cuit, que mangent nos héros ? - 13/10/2012 - Besançon

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Après le succès des trois Rencontres des Cuistots Sauvages, l'association Tambour Battant et l'Université de Franche-Comté s'associent pour nous proposer un évènement original : « Cru, cuit, que mangent nos héros ? »

Cette journée a lieu dans le cadre de la manifestation régionale « voyages en automne » organisée par l'Accolad de Franche-Comté.

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Ce sont deux passionnés de cuisine et de botanique qui nous serviront de guide, Nicolas Blanche et Sothy Ly.

Les deux amis ont un parcours original. La semaine, Nicolas travaille comme ingénieur informaticien et Sothy comme fonctionnaire.

Mais le weekend end, ils changent d'univers et prennent la route pour partager leur passion commune aux quatre coins du pays.

Voici comment l'aventure a commencé.

Nicolas a eu la chance d'avoir des parents et grands-parents qui l'ont amené vers la nature et la cuisine. Balade en forêt, cueillette de champignons et longues heures en cuisine à préparer des petits plats ont ponctué son enfance.

Sothy, qui se définit lui-même comme un « obsédé culinaire », adore partir à la recherche de nouvelles saveurs. Sa famille est originaire de l'Asie du Sud-Est, où la cueillette est encore très utilisée en cuisine.

Ils habitent chacun à deux endroits différents de la région parisienne. Leur logement n'a même pas de jardin, mais cela ne les empêche pas de vivre leur passion pour la cuisine et les plantes sauvages. Chaque balade le week-end est pour eux une opportunité de remplir un panier, et de le cuisiner ensuite.

C'est alors qu'intervient la magie d'Internet. Ce formidable outil a rendu accessible l'échange, le partage et la diffusion d'informations et d'idées à tous.

Ils créent chacun de leur côté un blog : Sauvagement Bon et obsédé culinaire notoire. Nicolas en fait même un livre du même nom. Ils finissent par se rencontrer.

C'est Vincent Abellanet, de l'association de quartier Tambour Battant, qui leur donne l'idée de faire partager leur passion commune aux autres.

L'association bisontine est très active et propose de nombreuses activités aux habitants, faisant du quartier Battant une sorte de village très animé.

Nous voilà donc ce samedi réunis à Besançon.

Au programme de la journée : la découverte et la cueillette dans les espaces naturels autour de Besançon, la préparation de plats cuisinés avec notre butin, et la dégustation.

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Comme le disent Nicolas et Sothy, nous allons « renouer avec la terre nourricière, grâce au plaisir de découvrir, préparer soi-même et manger ce que la nature nous offre ».

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Manger des plantes sauvages, une idée farfelue ? Pas tant que ça !

Dans notre société moderne, tout ce que nous mangeons a été soigneusement sélectionné et cultivé par nos agriculteurs, avant de nous être proposé à la vente sur les marchés et en grande surface.

Ceux d'entre nous qui cultivent un jardin ne font pousser que des espèces « standardisées » soigneusement sélectionnées.

Mais point besoin de remonter à la préhistoire pour trouver des hommes se nourrissant de plantes sauvages. La plupart d'entre nous ont déjà mangé des fraises, des framboises et des champignons des bois.

Et aujourd'hui encore dans d'autres pays du monde, la cueillette constitue une part importante de l'alimentation humaine.

Manger des plantes sauvages, en ces temps où avoir une alimentation variée est gage de bonne santé, cela semble même une bonne idée.

Il faut savoir que la moitié de l'alimentation humaine est constituée par seulement quatre céréales : le blé, le riz, le maïs et le soja.

De même, la standardisation des cultures a considérablement réduit le nombre de variétés de légumes qui sont proposés à la consommation.

En plus de poser des problèmes de santé, cette situation a également un impact négatif sur la biodiversité, et favorise l'émergence de parasites et maladies de plus en plus résistantes.

Tenter l'expérience de manger des plantes sauvages peut être l'occasion de s'ouvrir à de nouvelles saveurs, et donner envie d'élargir notre alimentation habituelle.

Manger des plantes sauvages, d'accord, mais n'est-ce pas un peu dangereux ?

D'abord, si vous suivez un traitement, souffrez d'une maladie chronique ou d'une allergie, renseignez-vous auprès de votre pharmacien car certaines plantes normalement comestibles peuvent être mauvaises pour vous.

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Ensuite, le risque de confondre une espèce comestible avec une plante toxique est non négligeable.

Les plantes peuvent être identifiées de plusieurs façons.

Même si en apparence elles se ressemblent beaucoup, une observation attentive permet de des distinguer.

Les fleurs sont le moyen le plus sûr d'identifier une plante. En cas de doute, Nicolas nous conseille d'attendre que les plantes soient en fleur pour les repérer, et de revenir ensuite pour les cueillir au moment propice.

Les feuilles comportent aussi plusieurs caractéristiques typiques : forme, taille, texture, présence de duvet, emplacement et géométrie des nervures...

La structure de la plante aide aussi à son identification : certaines plantes ont des feuilles ou des graines qui sont toujours groupées par deux, d'autres présentent des grappes…

Certaines plantes ont une odeur caractéristique, qui peut se révéler au niveau des fleurs, des feuilles, ou des racines.

Les racines elles aussi permettent de différencier deux plantes, mais elles ont l'inconvénient de ne pas être facilement accessibles.

Il est vivement recommandé aux débutants de se faire aider par leur pharmacien pour identifier les plantes cueillies et savoir les préparer.

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Ce n'est qu'avec patience et pratique que l'on devient progressivement un bon cueilleur.

Il faut également se méfier d'un ennemi invisible : l'échinococcose.

Les œufs invisibles à l'œil nu de ce parasite, qui provoque une maladie du foie, peuvent être présents sur les plantes poussant au ras du sol.

La cuisson des plantes (à plus de 70°) permet d'éliminer le risque d'être contaminé. Les plantes qui seront consommées crues devront être cueillies en hauteur.

D'autre part, certaines plantes sont comestibles mais à dose modérée.

Faire d'une ou deux plantes son alimentation principale n'est pas une bonne idée ; on peut risquer des carences ou des problèmes liées à la surconsommation d'un élément dont la plante est particulièrement riche.

C'est une question de bon sens : il faut diversifier son alimentation.

Il ne faut pas oublier que les plantes sauvages, comme tous les êtres vivants, peuvent retenir et concentrer les polluants de leur environnement.

Là aussi, avoir une alimentation variée est la solution.

Varier les lieux de cueillette pour une même espèce permet également de se protéger contre une pollution locale inconnue.

Enfin, la cueillette est réglementée. Certaines plantes sont protégées au niveau national ou local. En clair, la cueillette peut être limité ou interdite en fonction des périodes de l'année. Si vous faites preuve de bon sens et que vous vous limitez à prélever les quelques plantes nécessaires pour la préparation d'un plat, vous ne risquez pas grand-chose, et vous préservez la ressource pour les autres... et pour votre prochain passage quelques semaines plus tard !

Après ces précautions d'usage, nous commençons notre exploration... par les abords du parking relais Témis !

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Nous avons beau être en zone urbanisée, la nature profite du moindre espace pour reprendre ses droits.

Mais qu'allons-nous trouver ici ? Par chance, certaines mauvaises herbes sont bonnes à manger !

Les abords du parking nous ont offert de la Pimprenelle, du Panais, de la Carotte Sauvage (attention à ne pas la confondre avec la ciguë), du Tussilage, de la Morelle Noire (les baies ne doivent pas être consommées vertes), du Laiteron, du Chou à Vache.

Nous partons ensuite un peu plus loin, dans le bois à côté des Tilleroyes.

C'est la saison des baies, Nicolas en profite pour nous montrer un exemple... de ce qu'il ne faut pas manger, comme ces baies de Fusain qui sont toxiques.

On remarque quelques orties au bord du chemin. Tout le monde connait cette plante pour les démangeaisons désagréables qu'elle provoque quand on la touche. Mais cette plante est aussi comestible ; ses pointes font d'excellentes soupes, et peuvent aussi se cuisiner comme les épinards.

Les orties peuvent aussi servir à fabriquer un très bon engrais naturel. Il suffit de déposer des orties coupées dans une bassine, de les recouvrir d'eau en prenant soin de placer une grosse pierre dessus pour que les orties restent immergées. Au beau de 15 jours on obtient du purin d'orties, qu'il faudra diluer dans de l'eau avant utilisation.

Nous trouvons ensuite de la Grande Berce. Cette plante est comestible, mais elle a un suc qui rend la peau photosensible aux UV de façon plus ou moins importante selon les individus.

Nous avons aussi trouvé du « mouron des oiseaux » ou Stellaire Intermédiaire, de l'Armoise, délicieuse en beignets mais attention à ses propriétés abortives, et de la Campanule Raiponce, reconnaissable à ses petites fleurs violettes.

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Quelques plantes aromatiques ont également fait partie de nos découvertes, comme l'Aspérule Odorante (une fois séchée elle a un arôme de vanille), et la Benoite Urbaine (dont les racines sentent le clou de girofle).

Nicolas et Sothy profitent de cette balade pour nous parler des arbres. La forêt ou nous étions était particulièrement riche en hêtres ; ces arbres sont facilement reconnaissables grâce à leurs feuilles dont les nervures sont parallèles.

En examinant le sol, nous avons pu trouver de nombreuses Faînes, qui sont les fruits du Hêtre. Elles sont comestibles mais les tanins qu'elles contiennent sont astringentes et même toxiques en grande quantité. En faisant griller les Faînes ou en les faisant macérer dans de l'eau, on élimine une bonne partie de leur tanin.

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Nous avons eu une très bonne surprise en trouvant de nombreux champignons.

Ce sont les Coprins Chevelus que nous avons découvert en premier. Facilement reconnaissables avec leur forme allongée et leur couleur blanche, il faut éviter de les cueillir trop vieux.

Nous avons trouvé ensuite une Vesse de Loup, des Laccaires Laqués, de très beaux spécimens de Cèpes, des Pieds de Mouton, des Trompettes de la mort, des Laccaires Amethyste, des Chanterelles en Tube, et des Clitocybes Nébuleux.

Sans oublier des Lépiotes Mamelonnées, qui ont la particularité de posséder un anneau coulissant et dont la taille peut atteindre plusieurs dizaines de centimètres.

Comme pour les plantes, certains champignons peuvent se révéler toxiques voir mortels. Tel est le cas de l'Helvelle Crépue, de l'Amanite Panthère, et du Scléroderme Commun.

Certains champignons nécessitent une préparation spéciale avant de pouvoir êtres consommés; c'est le cas des Clitocybes nébuleux qui doit être blanchi, et l'eau de cuisson jetée.

A notre arrivée dans le local de Tambour Battant, nous pouvons faire l'inventaire de tout ce que nous avons récolté.

Nicolas et Sothy sont venus en plus avec des plantes qu'ils ont cueillis en Normandie : de l'Aster Marine (oreille de cochon), de la Bette Maritime et de la Criste Marine.

Le travail commence. Il faut d'abord trier et nettoyer les plantes.

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La cuisine peut alors commencer. Le but du jeu est d'utiliser toute la cueillette en préparant différentes recettes ; seuls quelques produits basiques du commerce viendront la compléter : huile, sucre, sel, œufs, farine. Une recette utilisera en plus des magrets de canards, un chou et quelques carottes.

La tâche n'est pas évidente, d'autant plus que nos deux cuistots ne disposent que de deux plaques électriques, quelques casseroles et poêles.

Mais ils vont s'en sortir haut la main, grâce à un sens de l'improvisation maitrisé.

Ils connaissent bien les produits qu'ils vont utiliser et savent comment marier les saveurs et les textures, voilà l'essentiel.

Quel plaisir de cuisiner « librement », sans suivre une recette à la lettre !

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La première recette introduit les plantes sauvage en douceur. Une julienne de chou, carottes et ognons est légèrement cuite dans un fond d'huile.

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A la fin on ajoute des graines et feuilles de Criste Marine, cet assaisonnement fera toute la différence. Juste avant la fin de la cuisson, Sothy ajoute du vinaigre de cidre. On laisse refroidir avant dégustation, le plat se consomme froid comme une salade.

On attaque ensuite les choses sérieuses avec un plat 100% sauvage. Les Coprins Chevelus sont émincés et chauffés dans une poêle avec un fond d'huile. Les champignons commencent à rendre beaucoup d'eau, il faut attendre qu'elle se soit évaporée. On assaisonne ensuite avec des feuilles de carotte sauvage finement émincées comme du persil.

Là aussi on laisse refroidir pour déguster frais.

C'est ensuite au tour de l'Aster Maritime de rentrer en scène. Cette plante, connue aussi sous le nom d'oreille de cochon, n'a pas été cueillie en Franche-Comté et pour cause : étant halophile, elle ne pousse qu'au bord du littoral ou dans les marais salants.

L'Aster Maritime est d'abord blanchie rapidement dans de l'eau bouillante, puis trempée dans de l'eau froide et égouttée. Quelques lardons sont cuits dans une poêle avec un fond huile ; l'Aster Maritime est alors ajoutée. Après quelques minutes de cuisson c'est prêt.

L'Aster Maritime a un goût qui ressemble aux épinards, mais plus fin, et avec une texture plus agréable. La plante est naturellement salée, il faut en tenir compte avant d'assaisonner les plats.

Le chou sauvage est lui aussi blanchi et cuisiné à la poêle.

Les magrets de canards sont cuits entiers puis découpés. Le surplus de graisse est récupéré et est utilisé pour cuire les champignons qui seront servis chaud. Sothy nous recommande de déguster les tranches de magret avec en accompagnement les achards à la Criste Marine.

Nicolas et Sothy nous font ensuite goûter des conserves qu'ils ont apportées. Nous avons d'abord droit de l'Ail des Ours, puis à une préparation de champignons au vinaigre et au citron.

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Les autres champignons seront mélangés, cuits et consommés chauds en accompagnement.

Les cèpes, eux, auront droit à un traitement de faveur : ils seront cuisinés et dégustés à part.

Avec un peu de farine et quelques œufs, Nicolas prépare une pâte à beignets. Elle sert à préparer en tempura l'Armoise et la Berce. C'est léger et c'est un vrai délice !

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Nicolas et Sothy ont également apporté de la Bette Maritime. Elle est d'abord blanchie, avant d'être cuite avec des lardons fumés.

Il nous reste les orties. C'est une plante assez coriace, ma mère cuisinait les pointes en soupe, avec une cuisson assez longue.

Nous avons envie de les faire goûter ; c'est la fin de la soirée, nous cherchons une solution pas trop longue.

Nous les avons simplement cuits dans de l'eau bouillante quelques minutes ; il faut alors les émincer pour les rendre plus facile à manger. On y ajoute ensuite des œufs battus en omelette et du fromage blanc, et on cuit le mélange à la poêle.

Tous les participants sont unanimes pour dire que l'évènement est une réussite ! C'est le mariage magique entre la gastronomie, l'improvisation et la découverte de la nature, le tout dans un esprit participatif et ludique.

C'est d'autant plus remarquable que cet évènement est le résultat de la passion de bénévoles non-professionnels, œuvrant avec peu de moyens.

Nous ne regarderons plus jamais notre cuisine et la nature comme avant !

Il faut remercier tous ceux grâce à qui ce projet a pu voir le jour :

- Nicolas Blanche et Sothy Ly, les deux « cuistots sauvages »

- L'association Tambour Battant qui nous a accueillis

- Pascale Milly, de l'ACCOLAD de Franche-Comté

- Anne Tramut, Anne Forno, et Vincent Abellanet qui ont organisé l'évènement et sa promotion

- Tous les participants qui ont osé briser les tabous culinaires avec leurs bottes en caoutchouc et leurs estomacs

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Ci-dessous toutes les photos de la journée.

Vous trouverez plus d'informations sur les blogs de Nicolas et Sothy :

- Sauvagement Bon

- Obsédé Culinaire Notoire

Vous pouvez également consulter :

- Les précautions à prendre avant de vous lancer

- La liste des espèces protégées en France sur Wikipedia

- Le livre Sauvagement bon

- Le livre Guide des plantes sauvages comestibles et toxiques

- Le livre Ces plantes que l'on mange

A noter également, une exposition de sculptures d'Anita Rumpf, qui travaille sur le végétal, jusqu'au 21 décembre 2012 à la B.U. Santé 20 rue Ambroise Paré à Besançon.

Vous pourrez également voir des herbiers réalisés par les étudiants en pharmacie. L'une des étudiantes, Anne-Laure Guyot, a été récompensée par le prix « Jean-Pierre Chaumont » pour son travail.

Le vernissage aura lieu le lundi 22 octobre à 17h00.


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