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Journées du Patrimoine - 16/09/2012 - Servigney-Montagney (25)

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Les lecteurs habituels de cette revue en ligne savent que je me suis toujours intéressé à la culture et au patrimoine sous toutes ses formes, sans faire de distinction ni d'opposition entre les générations, les arts ou les publics.

Cette démarche n'a pas toujours été comprise, tant il est peu commun de voir sur un même sommaire des reportages sur des concerts techno underground et des fêtes de métiers anciens.

Une fois de plus donc, entre deux concerts je vous propose un nouveau voyage dans un petit bout de notre histoire.

Le weekend dernier se déroulaient les Journées du Patrimoine, un évènement que j'attends toujours chaque année avec impatience.

Appareil photo en main, au fil du temps je me suis lié d'amitié avec de nombreux passionnés et bénévoles, dont la plupart ont l'âge d'être mes parents ou mes grands-parents.

Il y a trois ans, je suis même passé "de l'autre côté de l'objectif" et suis devenu l'un des exposants réguliers aux forges de Servigney-Montagney.

Comme le dit un vieux proverbe, on ne peut être à la fois au four et au moulin, cette année je n'ai malheureusement pas eu le temps de prendre des photos des autres exposants.

Je vous invite néanmoins à lire les reportages des éditions précédentes, plus détaillés à ce sujet :
Edition 2011
Edition 2009

Cette année donc ce sera un reportage "spécial forge". Ce sera non seulement l'occasion de vous parler de la démonstration le jour J, mais aussi de tout le travail de préparation qui a été mené auparavant. Il y aura de la sueur et des flammes !

Le but est de faire une démonstration de forge, pour montrer aux visiteurs quelles étaient les techniques de ce métier ancien, et de quelle façon divers objets peuvent être fabriqués à partir de morceaux d'acier.

Le petit plus, c'est de trouver de vieux outils d'époques, de les restaurer, et de s'en servir.

Seule ma forge est une construction neuve et originale (tout en respectant les principes de fonctionnement de l'époque)

Tous mes autres outils sont authentiques et anciens : les marteaux, les pinces, les enclumes, l'étau.

L'aventure commence par une recherche "archéologique". Mais ici point de fouilles ou d'expéditions lointaines ; c'est dans nos foires à la brocante que ça se passe.

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Il faut bien se renseigner pour savoir dans quelles brocantes on a les meilleures chances de trouver ce que l'on cherche. Comme pour les champignons, c'est le bouche à oreille et les conseils avisés des amis qui comptent le plus.

Ensuite il faut se préparer : un portemonnaie avec beaucoup de pièces, de bonnes chaussures, un charriot à roulettes pour transporter les objets, et le réveil réglé à 6h00 du matin. Le monde des chineurs appartient à ceux qui se lèvent tôt !

La moisson fut bonne cette année : j'ai trouvé de nombreux outils originaux et d'époque. J'ai dépensé peu d'argent, en moyenne j'ai payé chaque objet un euro. Mais ils sont en mauvais, voir en très mauvais état.

La deuxième étape de l'aventure se passe loin des regards, dans l'atelier installé dans ma cave.

Je commence par retirer les manches en bois, qui sont tous pourris. Il faut ensuite démonter les outils pour les nettoyer.

Certains sont complétement grippés, lorsque le gazole et le WD40 ne suffisent pas, il faut se résoudre à casser certaines pièces, qui devront être refaites ensuite.

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Les parties métalliques les plus abîmées devront être sablées, et même rectifiées au touret à meuler pour leur redonner une forme fonctionnelle.

Il sera aussi nécessaire de redresser certaines pièces.

Les pièces métalliques sont ensuite décapées et polies à la brosse métallique, puis peintes au noir ferronnerie antirouille.

Il faut alors refaire des manches. Ils sont faits à l'ancienne, avec du frêne. Ce bois ne casse pas et ne génère pas d'échardes.

Par contre il n'est pas durable, et se fait attaquer assez rapidement par les insectes xylophages. Il est donc très employé pour les manches d'outils, mais évité en construction.

Je travaille à l'ancienne, avec des planes. Toutefois je dégrossis les branches avec un tour à bois.

Les manches sont ensuite poncés et ajustés, avant d'être emmanchés de force.

A l'usage, il sera nécessaire pour certains d'entre eux d'insérer une cale à marteau métallique.

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Dans la brocante, j'ai également acheté pas mal d'autres outils, et aussi des morceaux de ferraille en mauvais état pour m'en servir comme matière première.

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Un vieux burin va ainsi me servir pour fabriquer une tranche pour mon enclume.

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Une tranche est un accessoire qui se place dans le trou carré de l'enclume.

En forme de lame, la tranche permet de couper un morceau de métal en deux avec la forge.

Le principe est simple : on chauffe la pièce à l'endroit où on doit la couper avec la forge, on pose la pièce sur la tranche au niveau de la coupe, et on frappe la pièce avec un marteau.

La tranche pénètre le métal de la pièce qui est ramolli par la chaleur ; elle finit par se séparer en deux.

Il faut arrêter de frapper la pièce avant que la tranche ne l'ai entièrement traversée, sous peine d'abîmer cette dernière.

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La pièce est ensuite cassée en deux en la pliant avec deux pinces.

Depuis que je bricole, j'ai toujours mis en valeur la récupération et la réutilisation.

J'avais aussi rapporté des brocantes quelques objets anciens décoratifs, comme des fers à repasser.

Complétement rouillés et abandonnées dans une caisse au milieu de bouts de ferraille, ils ont retrouvé une autre allure.

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J'avais sous la main un morceau de cuir ; j'en ai profité pour faire une bourse.

Elle agrémentera joliment ma panoplie vestimentaire lors des fêtes médiévales.

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Après un vendredi passé en famille, samedi je rejoins chez lui Fabien, un de mes amis forgeron.

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Depuis plusieurs mois nous parlons d'essayer de faire ensemble du damas. Il y a quelques semaines nous avons remis en état une ancienne forge pour cette occasion.

Le foyer étant fait avec de l'argile, il a été nécessaire d'attendre assez longtemps pour qu'elle soit bien sèche.

Maintenant c'est le grand jour.

On prépare tous les outils dans un petit coin à l'extérieur. Avant d'attaquer les choses sérieuses, nous passons à table pour un gueuleton bien de chez nous, avec force Comté et Savagnin !

Une forge c'est quoi au juste ?

C'est comme une sortie de barbecue, où l'on fait du feu à l'intérieur, mais avec un dispositif pour insuffler de l'air sous le foyer pour l'activer.

La pièce à chauffer est ensuite placée au milieu des braises. Le charbon de bois chauffe suffisamment l'acier pour qu'il puisse être travaillé et mis en forme.

Mais si l'on veut souder l'acier, il faut chauffer plus fort, à la limite de la fusion. Le charbon de bois ne suffit plus, il faut utiliser de la houille, c'est-à-dire du charbon de roche.

La forge de Fabien est une forge à manivelle de type industrielle, entièrement en tôle, époque 1900-1950.

Nous avons tapissé le fond d'une couche de 8cm d'argile, que nous avons recouverte de briques réfractaires.

Nous avons apporté un soin particulier au foyer et à la tuyère : le foyer est façonné en mortier réfractaire, et la partie supérieure de la tuyère peut se retirer pour être remplacée ou nettoyée.

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Comme nous le verrons par la suite, cette précaution nous sera extrêmement utile.

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La tuyère, c'est la pièce qui permet d'envoyer l'air sous le foyer. L'air provient d'un ventilateur centrifuge actionné par une manivelle avec une démultiplication.

Sous la tuyère se trouve une trappe qui permet d'évacuer les cendres qui tombent et s'accumulent à l'intérieur.

Nous allons donc essayer de faire du damas.

Le damas, c'est un morceau d'acier constitué par un ensemble de couches d'acier de natures différentes soudées entre elles.

Le damas est l'un des plus anciens matériaux composite fabriqué par l'homme.

Les katanas japonais et les couteaux de chasse sont forgés dans du damas.

On commence par sélectionner différents types d'acier.

Nous avons choisis un morceau de ressort à lame (probablement XC45 ou XC65), et une lame de scie à métaux (probablement HSS Co8).

On découpe plusieurs morceaux de taille identique que l'on empile pour former une "trousse".

Il faudra chauffer cette trousse à la forge pour la souder en frappant assez violemment dessus.

Avant la première soudure, il faudra maintenir ensemble la trousse. Auparavant, les forgerons avaient recours à des techniques laborieuses.

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Depuis une cinquantaine d'année, les trousses sont tout simplement maintenues ensemble avec un trait de soudure. Il est habituel de souder à l'une des extrémités une tige en acier pour pouvoir manipuler la trousse plus facilement qu'avec une pince.

Nous allumons la forge avec du charbon de bois.

Ensuite nous ajoutons du charbon de roche.

Une fois de bonnes braises obtenues, nous plaçons notre trousse à l'intérieur, et activons le feu avec la manivelle.

Le seul moyen que nous avons pour contrôler la température, c'est d'examiner la couleur de la pièce, suivant le tableau ci-dessous :

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Il est difficile de contrôler la température avec le charbon de roche, car l'on peut facilement trop chauffer et fondre la pièce.

Et il vaut mieux travailler à l'intérieur car les couleurs sont faussées avec la lumière du jour, nous allons l'apprendre à nos dépends.

Nous sortons la pièce du feu une première fois, pour verser sur les côtés un peu de poudre de Borax. Cette poudre permet de décaper l'acier et de faciliter la soudure.

Nous réchauffons la pièce, et la sortons pour contrôler la température. Elle n'était pas assez chaude. On la remet au feu deux minutes, et nous activons le foyer plus fort.

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Nous ressortons la pièce, et nous découvrons qu'elle a fondu ! Mauvaise nouvelle : l'acier liquide à obstrué la tuyère :

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Mais l'acier fondu n'est pas soudé à la tuyère, nous arrivons facilement à la retirer et à la déboucher sans l'abîmer.

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Nous constatons que le mortier et les briques ont résisté à la chaleur.

La forge est solide, c'est une bonne nouvelle. Et elle chauffe suffisamment !

Nous rallumons la forge, et poursuivons avec le morceau de damas qui est resté soudé avec la tige.

Nous sortons le damas, qui est cette fois-ci à la bonne température, et frappons à deux pour le souder.

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Nous recommençons les cycles de chauffe et de frappe plusieurs fois.

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A noter que la tuyère de la forge s'est rebouchée à nouveau avec les scories de la houille. Nous devrons probablement refaire une tuyère avec des fentes plus larges. Il est également possible que nous mettions trop de Borax sur la pièce.

Une fois le damas assez étiré, nous le coupons à la tranche pour le replier sur lui-même.

Ceci a pour effet de redonner de l'épaisseur, et de doubler le nombre de couches du damas.

A la fin de l'après-midi nous arrêtons. Nous observons le damas, et sommes un peu déçus.

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Nous pensons en effet que les différentes couches n'ont pas étés soudées correctement.

Pour en avoir le cœur net, je décide de découper et meuler les bords.

C'est moins pire que prévu, les soudures ont bien prises sauf à quelques endroits.

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Conclusion de ce samedi "spécial damas" : ce n'est pas si mal pour un début. Nous devons refaire une tuyère avec des fentes plus larges, mettre moins de Borax, et mieux surveiller la température de la pièce.

Dimanche c'est le jour tant attendu de l'ouverture au public des forges de Servigney-Montagney.

Tôt dans la matinée, chaque exposant installe son stand. La fin de l'été est bien là, il fait assez froid.

La forge est en place, j'ai installé devant une petite table avec les pièces forgées lors de mes précédentes démonstrations.

Je commence à forger dès 10h00 du matin, mais cette année le public n'arrivera vraiment qu'à partir de 14h30/15h00.

Cette matinée deviens alors un moment privilégié pour les bénévoles ; nous avons le temps de parler entre nous et de voir ce que font les autres.

Je décide de fabriquer une lance. Mon voisin et ami Jean-Marie BRUN, qui a installé à côté de moi sa magnifique forge médiévale, va s'attaquer à une pièce similaire : une hallebarde.

Je pars d'une vielle fiche en acier achetée à la brocante. N'ayant pas besoin de souder je travaille au charbon de bois.

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Je commence par former la lame.

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Mais rapidement, le morceau d'acier que j'ai utilisé se révèle de mauvaise qualité et commence à se fendre.

Un des visiteurs me dit que les fiches sont des pièces assez peu techniques, et donc fabriquées à partir d'aciers bas de gamme.

Jean-Marie aura les mêmes problèmes avec son morceau d'acier.

Nous décidons tous les deux de continuer quand même. Les pièces que nous fabriquons n'étant pas très techniques, notre défi du jour sera d'arriver à faire quelque chose avec ces aciers récalcitrants.

Après avoir forgé la lame, j'étale l'autre extrémité en feuille, avant de la rouler pour former la partie de la lance qui accueillera le manche en bois.

C'est la galère, le métal part en chou-fleur. Je continue néanmoins, et j'arrive finalement à finir ma pièce.

Ce ne sera pas la plus belle de ma collection, mais c'est correct.

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Jean-Marie est beaucoup plus perfectionniste ; alors je trouve que sa pièce est pas mal du tout il a préféré abandonner.

Il me reste deux heures devant moi. Ce n'est pas suffisant pour commencer une grosse pièce, alors je décide de faire une petite bricole sympa.

Je prends un morceau de fer à béton, et je décide d'en faire un bijou.

J'étire le fer à béton au carré, en faisant une des extrémités en pointe.

Ensuite je torsade le fer sur toute sa longueur. J'utilise l'étau et une pince.

Il faut procéder par petits bouts, en étant très minutieux et attentif pour que la torsade soit bien régulière.

Ensuite, j'enroule le fer sur lui-même en spirale.

L'extrémité en pointe est à l'extérieur. Elle formera une petite boucle pour accrocher le bijou.

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La journée est finie, il faut tout remballer.

Il faut presque deux heures pour tout nettoyer et ranger ; mais ce temps ne suffit pas pour que la forge refroidisse.

Je la laisse dans un coin dehors, et la rentrerais une fois qu'elle sera froide.

Comme chaque année, les bénévoles se retrouvent autour d'un souper convivial.

Je rentre chez moi et je passe les pièces à la meule puis à la brosse métallique pour les finir.

Je fabrique un manche pour la lance avec les mêmes techniques que pour les marteaux.

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Je tiens à remercier les visiteurs, les bénévoles, et mes amis pour ce week-end bien sympathique, même si j'aurais aimé voir quelques-unes des personnes que je croise habituellement sur d'autres évènements à Besançon. Mon but principal est de se faire rencontrer les publics, je ne désespère pas.

Les temps sont durs pour la culture en ce moment, il est nécessaire de s'unir.

Pour 2012, la forge c'est fini. Je vous donne rendez-vous l'année prochaine au château de Montby au mois de juin et aux journées du patrimoine à Servigney-Montagney en septembre. Je pense faire aussi deux ou trois autres démonstrations ailleurs.

Ci-dessous quelques photos, et un petit montage vidéo de la fabrication du damas.


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